Par une petite route le long des dunes et des forêts qui nous séparent de la mer Baltique, nous entrons en Estonie, nous collons notre autocollant Allonzavélo sur le panneau frontière juste en dessous de celui de nos amis en vélomobiles les Narvélos qui sont passés la veille. Leur slogan est « voyager c'est bien, en pédalant c'est mieux», nous l'aimons bien.
Il fait très beau, voire déjà un peu chaud ce qui sera notre quotidien tout au long de la semaine. Cinq kilomètres après la frontière nous sommes interpellés par un homme dans son jardin, on freine et on s'arrête, il y a déjà deux autres cyclistes voyageurs.
On s'installe. Peter est Irlandais et Rachel est anglaise, elle vit en France aux Houches, ils vont de Tallinn à Vilnius pendant deux semaines. Joanus et sa femme Parsla qui nous accueillent dans leur jardin, nous offrent un café, des gros cornichons et un bocal de champignons qu'ils cueillent et préparent eux-mêmes. La discussion s'engage, on visite leur sauna installé à côté de leur maison d'habitation.
Chez eux le sauna est dans une maison, alors que souvent au bord de la route, on aperçoit dans les jardins une butte de terre avec une porte et une cheminée.
Nous pensions à une cave pour protéger les légumes du froid finalement ce sont des saunas. Il nous explique qu'il faut deux heures pour chauffer la pièce à plus de 60°c. Nous visitons également la serre dans laquelle il y a déjà de beaux plans de tomates. Le jardin extérieur est réservé aux pommes de terre sans oublier les betteraves rouges très consommées ici, il y a en a même dans le chocolat.
Pourquoi des gens que l'on ne connaît pas nous ouvrent-t-ils aussi facilement leur porte sans contreparties ? Dans le monde actuel qui semble se replier sur lui-même avec la crainte de l'autre, de l'étranger et du voyageur, il existe encore des gens qui n'ont pas peur de la rencontre ni de discuter sans avoir aucun mot commun ni rien à vendre. Peut-être veulent-ils juste nous montrer leur manière de vivre, passer un moment convivial ? Nous, nous avons passé un bon moment et nous pourrions dire, comme le jeune Turc rencontré dans un village : « nous allons passer une belle journée parce que nous vous avons rencontrés».
L'Estonie est le troisième pays Baltes de notre voyage, c'est un pays de 1 300 000 habitants, il a une histoire commune avec les deux autres pays. Il a été soumis aux mêmes occupations soviétique et allemande avant, pendant et après la seconde guerre mondiale. Ce qui freine parfois les cyclistes pour voyager à vélo, ce sont les dénivelés et bien c'est dans cette région de l'Europe qu'il faut venir, rien à voir avec les paysages de la côte adriatique. Ces pays (nord de la Pologne, Lituanie, Lettonie, Estonie) sont plats comme des crêpes, tartinés de forêts et criblés de lacs.
Mais le bonheur pour le cyclo voyageur, c'est aussi de pouvoir mettre sa tente dans un beau coin de campagne ici c'est facile et autorisé. En Estonie, le camping sauvage est possible partout, comme en Finlande car il existe « le libre droit d'accès à la nature ». Effectivement, nous avons vu de nombreux coins aménagés dans des endroits sympas, signalés parfois par une pancarte, avec un espace pour le feu et du bois à disposition. C'est la ressource la plus importante de ce pays.
L'Estonie est le bon élève européen pour la protection de l'environnement. En 2008 l'Estonie a mis en place une journée nationale de nettoyage du pays avec géolocalisation (ils sont à la pointe en informatique, on parle même de E-Estonie) des sites à nettoyer, plus de 50 000 personnes se sont mobilisées et 10 000 tonnes de détritus divers ont été récoltés.
A partir d'aujourd'hui samedi, nous sommes en vacances (c'est bien notre tour) Manon, Alex et Capucine sont venus nous retrouver à Tallinn pour une semaine et nous allons en profiter pour sillonner l'Estonie, en voiture cette fois. Nous laissons le casque de cyclovoyageur pour prendre notre casquette de papi et de mamie ce qui nous promet bien du plaisir.
