Lorsque nous regardions la carte collée sur le radiateur de notre salle à manger, les trois grands pays placés tout en haut (nos collègues géographes auraient dit le Nord) de l'Europe, nous impressionnaient. Les distances à parcourir nous semblaient importantes et les conditions climatiques nous faisaient un peu peur mais en même temps il y avait une fascination à vouloir les découvrir. On nous avait dit que ce n'était pas faisable avant juin, qu'il y avait encore trop de neige et que le froid y était très présent.
Nous avons passé avec brio le cercle polaire et nous sommes maintenant en Arctique, région froide qui a un caractère inhospitalier.
Il peut y faire très froid, nous couchons à Pokka, village de quatre maisons, au pied d'une pancarte qui indique un record de température de -51,5°c le 28 janvier 1999, difficile à imaginer.
Maintenant il n'y a plus de nuit, pour nous plus besoin de lampes pour lire. Par contre il n'y a plus de points de repères, les soirées sont tellement longues que nous mangeons tard, nous nous retrouvons à faire une balade au bord d'un lac gelé à 22h30.
C'est vraiment déroutant et on a toujours besoin de se le dire. Pour dormir ce n'est pas trop gênant car on dort sous le duvet, les nuits étant assez froides (-5 degrés cette nuit) mais la température remonte vite de 10 à 15 degrés dans la journée si le soleil est présent. Depuis notre rencontre avec le Père Noël les villages se sont raréfiés et les paysages se sont modifiés au rythme de nos coups de pédales, doucement les arbres ont diminué en taille, il y en a moins, nos yeux ne sont plus systématiquement bloqués par eux et l'on peut apercevoir le relief, les collines, les petites montagnes, la Finlande reste un pays plat.
Les dernières neiges fondent et elles alimentent des cours d'eau tumultueux avec un débit impressionnant, les spécialistes du canoë seraient sans doute aux anges. En hiver, ces lacs et ces rivières sont gelés et constituent un véritable réseau routier car sans problème ils sont empruntés pour passer d'un bord à l'autre, rejoindre une île ou un autre village. Sur la photo on voit encore les traces laissées par les véhicules.
Ici c'est sauvage, sur nos petites routes, les distances à parcourir sont longues avant de trouver une petite boutique pour le ravitaillement (plus de 200km), il faut prévoir pour plusieurs jours de la nourriture dans les sacoches car pour avancer il faut un peu de carburant. Nous roulons paisiblement, un peu perdu dans nos pensées lorsque nous sommes surpris par deux cyclistes qui nous rejoignent. Ce sont deux allemands Toast et Edgar qui sont partis de Helsinki pour rejoindre le Cap Nord. Ce sont des habitués du voyage à vélo lors de leurs vacances. Nous échangeons autour d'un café, contrairement à nous ils ont un planning bien structuré, photocopies des cartes à l'appui car ils ont un impératif, l'avion du retour, et par magie on se retrouve en fin de journée dans l'unique supermarché de la ville de Kittila.
C'est le pays des rennes, autant de rennes que d'habitants. A cette saison ils sont en liberté et nous en croisons souvent au bord de la route. Ils sont élevés pour leur viande, pour leur lait et pour leur fourrure. Autrefois animaux de traction ils sont aujourd'hui remplacés par les motos neige.
Aujourd'hui nous écrivons sur la terrasse d'un bar camping Ahkun Tupa à l'entrée du parc Lemmenjoki où nous sommes les seuls clients avec les deux gérants.
C'est un endroit hyper paisible et très beau. La saison débute le 1er juin, ils proposent des balades en bateau mais pour l'instant le lac est encore gelé. Dans ce parc on peut éventuellement chercher et trouver de l'or car ici il y en a, mais on n'en a pas vu, dommage j'aurais peut-être pu arrêter le travail plus tôt. Ce midi la gérante nous prépare une de ses spécialités le ragoût de renne.
Cette semaine, rouler à travers ces grands espaces sauvages, au milieu de la nature, nous donne envie d'encore mieux la préserver. Regarder le soleil qui n'en finit pas de se coucher qui joue avec l'eau et la glace pour donner des effets surprenants.
Observer un oiseau, les écouter chanter et essayer de les différencier sans pour autant les nommer, croiser le lièvre arctique qui se sauve à notre arrivée, observer la grenouille qui se réchauffe au soleil sur la pierre, regarder s'envoler le grand tétras ou le lagopède, tout cela nous ravit.
On n'a pas encore croisé d'ours mais nous ne savons pas si nous en avons vraiment envie, ni d'élan qui est parfois agressif, surtout au printemps lorsqu'il a des petits ! Nous terminons cette semaine à deux pour débuter un voyage à trois puisque lundi, Annie, une amie bressuiraise, nous rejoint à Karasjok, en Norvège pour continuer pendant plus d'un mois ce voyage avec nous.
D'abord, direction le Cap Nord point le plus septentrional de l'Europe, le bout du bout !
